
Dans l’une des chansons poétiques de Renaud dont il a le secret, on trouve cette question merveilleuse :« Explique-moi, Papa, c'est quand qu'on va où ? » Je n’ai pas mieux, pour décrire ce que je ressens, en tant que citoyen, mais aussi en tant que RH. Et la réponse…
A court et moyen terme : la phase dite de déconfinement
Nous sommes le 28 avril, tout ce que nous comptons de peurs, d’inquiétudes, de pessimisme, d’inconsciences et d’impatiences, de déraisonnable, de colériques et capricieux, de polémiques, de rancœurs sociales assoupies, fait que le pays attend un plan de déconfinnement vite fait, qui va à n'en pas douter susciter un hallali immédiat dès le discours du 1er Ministre à l’assemblée achevé.
Et encore, je vous fais la version light, en réalité ça a déjà commencé. Entre les médias qui savent, ou qui croient savoir mais on s’en fiche, le personnel politique qui semble de plus en plus se complaire au niveau des pâquerettes, et les brèves de comptoirs confinés (nos traditionnels zincs étant clos), on a l’embarras du choix. Ou plutôt le choix du seul embarras.
La maladie n’est pas derrière nous, loin s’en faut. Nous n’avons rien de fiable en vue pour prévenir ou traiter, hors peut être un équipement matériel qui poussivement atteint un niveau correct. Nous entendons même surgir la complainte de la rechute, version en pire tapie dans l’ombre, dont on a le sentiment que le mot même de déconfinement suffit à libérer celle-ci de toute retenue. Les médecins continuent copieusement d’abonder dans le pugilat médiatique par des avis divers et surtout variés inquiétants. Les excès en tous genres commencent à faire parler d’eux, entre les policiers agressés, les fiestas collectives improvisées y compris en pleine rue, et le flot ininterrompu des dénonciations d’irrespectueux des consignes qui n’en ont jamais rien eu à faire de rien, pas plus celles-là que les autres, la marmite boue.
Donc il faut déconfiner, genre bouton de cocotte-minute sous peine d’explosion : explosion, pandémie, le tableau est séduisant.
Économiquement nous sommes assis sur une bombe (en mauvais état qui plus est) et il nous faut remettre la machine en marche : et là, on voit telle ou telle profession essayer de tirer les meilleurs marrons du feu, tel ou tel métier hurler à l’agonie, chacun y allant de sa revendication et de sa proposition, plus ou moins loufoque : en matière de plan de reprise progressive, ça pourrait s’intituler la « Grande Vadrouille », Gérard Oury aurait matière.
Que dire dans ce contexte de notre belle profession des RH ?
Au-delà de la remise en piste habituelle et de logistique lourde, j’entends partout, comme quand j’étais petit et lorsqu’une voiture multicolore surmontée d’une sono annonçait le retour du cirque Trucmuche dans le secteur, « les fameux RH au cœur » en gargarisme choral.
De la société, des familles, de l’entreprise, de la stratégie de celles-ci, omni présents ils sont à en croire la chansonnette, mais ce sont les mêmes qu’avant juste reconditionnés.
Si je ne trouvais pas cela grotesque j’en pleurerais. D’autant qu’il ne se passe pas un jour sans qu’un consultant expérimenté (forcément vu le caractère absolument pas inédit de la situation) ne vienne me proposer son aide à mon entreprise pour déconfiner « ma » population… Et quand je lis le profil de ces intervenants, ce doit être du cousinage de Merlin le Bricoleur dans Kameloot… Ça fait peur.
De véritables RH, il en reste, bien sûr et ils œuvrent
J’ai eu l’occasion d’écouter à maintes reprises Benoit Serre s’exprimer au nom de l’ANDRH, précis, posé, calme, pragmatique et pédagogique avec plein de bon sens pour aider, je ne pense pas que le choix de la fantaisie d’impro soit franchement très appréciable. Il suffit de revenir vers ces gens possédant dans ce métier des véritables valeurs et fondamentaux, et tous ensemble avec les personnels, ça sera peut-être un tantinet cafouilleux, mais moins obscur et pathétique que les gourous « new génération ».
Et au-delà des aspects remise en route (dont tout de même, sauf à s’être exonéré de neurones, et quand bien même on est exaspéré, il va falloir accepter du temps… on ne s’est pas relevé des dernières catastrophes mondiales en trois mois et pas des prochaines non plus. Malheureusement, mais c’est comme cela, sans fatalisme aucun : juste du réalisme.
Face à un désastre pareil, aussi complet tant sur le plan humain qu’économique que planétaire, on ne peut imaginer aller autrement qu’en pack comme diraient nos amis rugbymen, avec un minimum de discipline, un max d’organisation et d’énergie.
Alors quand j’entends ce matin, que l’Express révèle des bisbilles entre le Président et son 1er Ministre, fuites à l’initiative du Chef de l’État dixit, je prie pour que ce soit un fake… Ca suffit le combat des chefs présupposé ou réel. Où est l’essentiel (j’ai failli écrire le fond mais on aurait pu se méprendre). A défaut de sérénité, au moins une ambition et un espoir partagés ?
Mais non, tout le monde y va comme je le disais de sa solution, de son remède, et surtout, à partir de recettes qui sentent fâcheusement le moisi. Ahhhh nous sommes loin du plan bloc pour relever le pays avec « une certaine idée de la France ». Plus près sans doute des circonstances qui ont conduit l’auteur de ce propos à quitter ses responsabilités après le CNR et ses tensions partisanes d’avant, et qui a remis l’initiative au gout du jour un peu plus de 10 ans après avoir pris les manettes, tiens, un 28 avril... Mais entre-temps, il y a eu tant d’espérance et de choses accomplies.
Regardez les sujets traités sur le plan RH : je me régale. Outre qu’ils se remettent tous seuls au cœur, je l’ai déjà dit, y a-t-il eu une prévision de vaste concertation réunissant pourquoi pas les chefs d’entreprises et les actionnaires sur ce qu’on va demander aux RH d’être ; je n’ai rien entendu de tel.
L’auto-persuasion et l’auto-détermination a des limites, et la piètre image dont beaucoup de nous bénéficions, ne suffira pas à reprendre la main seuls en termes de confiance.
Repenser oui, mais avec des acteurs disposant du pouvoir de faire ce qu’ils disent, tirant les leçons de ce que nous avons vécu, de ce qui a fonctionné, moins bien etc., et innovant.
Je me prends même à rêver que ce rêve pourrait se faire en tombant des idéologies pourries jusqu’à la racine mais dont les tenants sont prêts à une défense féroce.
Et quand je lis un grand ministre, Mr Le Drian, dire au Monde :
« Ma crainte c’est que le monde d’après ressemble furieusement au monde d’avant, mais en pire. Il me semble que nous assistons à une amplification des fractures qui minent l’ordre international depuis des années »
Là je me dis « mais tétéou » le grand projet pour le pays ?
On y pense au-delà des blablas ou pas ? Et on arrête de laisser tout le monde partir dans tous les sens et rêver au grand soir, qui peut suivant la combinaison des multiples définitions correspondre au grand chaos ? Ou pas ?
Le monde artistique, des philosophes est en liesse : des textes sublimes parlent d’un demain ; des chansons célèbrent des valeurs qui font saliver, et tous en chœur, tels les applaudissements le soir à 20h00, on y croit. Et surtout il ne faut pas que ca reste incantatoire. Des mots à l’action.
Je ne veux pas la désillusion finale, je compte sur NOUS
Je ne peux m’y résoudre. Bon, mais pour qui se prend il celui-là ? Eh bien pour quelqu’un qui est prêt à travailler utilement pour un monde meilleur, pour quelqu’un que la vie a sérieusement malmené et continue de le faire, et pour quelqu’un qui après avoir consacré sa vie aux autres aimerait tant ENFIN, pas plus, que chacun se rassure.
Comment terminer ce bref billet sur le sujet, en utilisant la vieille formule managériale que j’ai tant entendue « je compte sur vous »… ? Eh bien pourquoi pas même si je suis conscient que jusque-là ça ne nous a pas mené sur de vrais podiums au-delà de certains barnums…
Alors oui, je crois à un nouveau projet pour notre pays, où il y a tant d’intelligences, je crois à notre capacité à rassembler les forces du bien et de progrès (tiens, ça fait un peu vieillot) pour concevoir l’armature d’une société d’avenir pour nos jeunes, et je serais infiniment heureux si je peux y aider.
Oui, je crois aux priorités, au fait qu’on peut déconfiner mais non ce ne sera pas la fête au village, c’est trop tard, et je crois que nous devons à toutes celles et ceux qui ont disparu, à toutes celles et ceux qui ont souffert et souffrent encore, d’essayer au moins et comme aurait dit Renaud « pour de vrai ».
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