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L'histoire de Raoul : du sur-engagement au désengagement envers son travail

Photo du rédacteur: Stephane FayolStephane Fayol

C'est une histoire faisant référence à la fable de "l’esprit plus fort que le corps".

Je ne sais pas très bien comment en parler, ni d’ailleurs quand cela a commencé. Alors je vais vous parler de Raoul.


Raoul était heureux de le prendre ce job. La succession des entretiens plus ou moins opaques selon les interlocuteurs n’avait même pas réussi à le perturber. Celui passé avec le Boss avait été enthousiasmant. Oui, il y avait eu des prédécesseurs, mais là il était temps : le changement c’était maintenant.


Les moyens pour y arriver n'étaient pas un souci, ils les trouveraient, car il fallait faire bouger tout cela, se montrer créatif, innovant, et surtout humain, car c’était une marque de fabrique. Fascinant, pour Raoul qui avait jalonné sa vie professionnelle notamment de défis.


La marque employeur, il la connait et est affichée partout, le métier, il le connait depuis plus de 25 ans et il a en mains les atouts pour faire comme d’hab : ne pas compter et foncer.

Le premier jour est accablant.


Quasiment personne pour l’accueillir, un parcours d’intégration bricolé à refaire soi-même, un matériel qui mettra plus d’un mois à être disponible. A peine une chaise pour s’asseoir, des interlocuteurs en apparence charmants mais qui du fait d’une information à géométrie variable sur son périmètre d’actions, se montrent méfiants, voire défiants, emmiellant de leurs aigreurs et/ou de leur naïvetés respectives.

Hardi, petit, Raoul ne se laisse pas décourager, et fait des choses. Beaucoup de ses actions sont poliment reçues, au début notamment, certaines agacent et on s’arrange avec subtilité, puis sans subtilité, à le lui faire comprendre. D’autres se perdent dans des échos sans fin et ne verront jamais le jour, Raoul en acquiert la conviction. Pourtant, il est persuadé que la ténacité issue de son expérience, le bon sens, le besoin de progresser appuyé par le crédo affiché le placeront résolument sur la bonne trajectoire, tôt ou tard.

Alors, tel un Shadok, il pompe, il pompe !


Raoul a de l’énergie, il est heureux des petits succès.

Ses amis lui recommandent d’être patient, son heure viendra, oui ce qu'il fait ne correspond en rien à ce qu'il sait a priori faire ni à ses aspirations, oui il y a beaucoup de gâchis, mais tout ça n’est qu’une étape.

Puis cheminant, Raoul se découvre des attitudes qu'il ne connaissait pas.


Les stations pensives à la célèbre machine à café, le regard dans le vide à la fenêtre, la procrastination devant des taches piteuses qui occupent beaucoup trop de son temps et n’ont d’autre valeur ajoutée que de faire avancer un éventuel schmilblick…

Raoul sent que beaucoup avaient envie de lui faire confiance, mais malgré toute la sympathie qu’ils ont pour lui, le regardent se débattre et laissent partir leur confiance, avec tristesse. Tout comme Raoul le faisait, d'ailleurs.

Il quitte son poste en fin de journée mécaniquement. Et il se sent fatigué, las. Il n'a plus le sentiment de garder cette étincelle qui au bon vieux temps révolu lui permettait d’être ce joyeux compagnon qu’on aimait avoir en soirée, en week end.

Tous ses contacts lui font remarquer ce blues qui lui colle de plus en plus à la peau.


Raoul tente, sans doute maladroitement, d’expliquer cela à sa hiérarchie. Il est gentiment reçu mais bon, pas prioritaire non plus et puis ça va bien hein, le système est le système. C’est le silence, qui petit à petit répond à ses appels. Raoul devient invisible, il le sent.

Chaque jour, il aborde son emploi du temps avec un entrain décroissant. Mais il l’aborde, surmonte les difficultés, fait "mine que", et ça passe. Il espère surtout que « ça » ne se voit pas. Il a le sentiment que le temps des caprices est révolu et qu'il va finir par s’y faire. Mais de plus en plus, Raoul ressemble à un automate.

Raoul a toujours eu cette manie d’être tiré par le haut, par l’ambition, l’exigence et la volonté de sa hiérarchie quelques soient ses job, et a toujours adoré être stimulé comme cela, même en ayant développé un côté un peu râleur ; exutoire plutôt salutaire à y réfléchir.

Finalement, l’accumulation de bourre-pifs a raison de sa prétention. Raoul serait-il voué irrémédiablement au nervous breakdown ??

Il relit l’intégralité de la méthode Coué, et se dit, tant que tu as la volonté, tu as le chemin… tiens j’ai déjà entendu cela me semble t’il.

Mais ses proches ne semblent pas convaincus et Raoul a au contraire le sentiment de renouer -selon l’humour corrézien du Grand Jacques- avec une vie où « les emmerdes ça vole toujours en escadrille ». A priori, Raoul est parti pour un grand bombardement à la Pearl Harbour et son abri fait long feu.

Puis un jour, il se réveille. Il est à la Clinique Dugommier, bien connue des amis d'Audiard.


« L’ennui l’a tuer », lit-il dans ses pensées embrouillées, ou disons bien démoli, puisqu'il est bien là pour constater les dégâts.


La morale de cette fable est à plusieurs tiroirs :


Il faut être totalement inconscient pour dissocier esprit et corps à ce point.

Sauf à s’attacher à certains comportements qu’on lit et qu’on voit de nos jours, les deux sont liés à la vie à la mort. Et l’un nourrit la mémoire de l’autre et inversement. Il n’y a pas de mépris à vouer ni à l’un ni à l’autre : selon le moment, il y a un fort, un faible, un qui perd, un qui gagne, mais la bonne nouvelle c’est que l’un entraine toujours l’autre. Dès lors prendre soin de soi, s’écouter prend une tout autre dimension.

Sauf à vouloir en terminer avec la vie,

la véritable liberté n’est-elle pas de préserver celle-ci, quelque soient les circonstances ?

Bien entendu, on va trouver les contraintes qui vont bien, les impossibilités de, la peur de l’autre chose, du regard etc., pour ne pas prendre les décisions salvatrices au moment où les deux sus nommés corps et esprit clignotent. Mais quel est vraiment le combat qui vaut ?

Sauf à être d’une prétention sans limite, il est difficile de tout gérer seul.

Et le regard de l’autre, l’amour, l’amitié et l’affection sont de puissants préventeurs, les seuls d’ailleurs susceptibles d’éviter la rencontre du mur. J’aime cette fable en ce qu’elle valide ô combien mon besoin positif de l’autre dans la vie. Et en ce qu’elle appuie ma façon de considérer la relation humaine.

Beaucoup de rencontres dans la vie sont sources de régénération permanente, qu’elles soient professionnelles ou privées.

Un job est un creuset inestimable de bonheur, de confiance, d’épanouissement, de conscience de son utilité sociale et j’en passe. A l’inverse, un job peut être toxique, nocif, destructeur, et les deux actions infusent doucement, doucement. Seule l’issue est différente.


Cette réflexion est au coeur de nos choix, comme dans toute rencontre et au coeur de celles et de ceux qui l’organisent, je pense bien entendu à cette fonction RH qui me porte depuis tant d’années. Sacré responsabilité .

Moi, Raoul, je rêve d’un job qui le nourrit ; mais entendons-nous sur le "qui me nourrit", qui nourrit ma VIE.


"Que ceux qui n'ont du monde aucune expérience sont aux moindres objets frappés d'étonnement : et puis nous y pouvons apprendre, que tel est pris qui croyait prendre". Jean de La Fontaine.

Sans oublier pour conclure notre cher Raoul Volfoni, ce poète contemporain :

"J'ai voulu être diplomate à cause de vous tous, éviter qu'le sang coule mais maint'nant c'est fini ! Je vais l'travailler en férocité ! L'faire marcher à coup d'latte, à ma pogne je veux l'voir ! Et j'vous promets qui demandera pardon !"
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