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Quand des araignées magiques rallument mes étoiles

Photo du rédacteur: Stéphane FayolStéphane Fayol

Dernière mise à jour : 7 avr. 2020

Ou comment l'amour et l'amitié tissent dans la joie une toile de vie.

En septembre 2018, après des mois de souffrances psychologiques, personnelles et professionnelles, intériorisées comme j’ai toujours su si bien le faire, après avoir regardé hébété, mon monde et ses repères se disloquer les uns après les autres tel un pauvre château de cartes, soudain je m’écroule.


Lorsque je reprends connaissance quelques jours plus tard, je suis à l’hôpital et on m’explique avec beaucoup de douceur que la mort m’a frôlé, mais qu’elle a perdu son combat contre ma vie.


Mais on m’explique aussi que cela fait deux sérieux avertissements que m’a donné mon corps – un AVC en 2014 et aujourd’hui cet effondrement – et qu’il ne subira très certainement plus encore une fois ce que je lui ai demandé par le passé. Écoutez « La mémoire du corps », dit le médecin.


Rien de très original, triste mais banal, si on compare aux autres misères dont je peux connaître l’existence, ne serait-ce qu’autour de moi.


Alors, pourquoi écrire, raconter quoi ? Extérioriser ma douleur ? Non. Peut-être le faudra ou faudrait-il, mais je ne me sens pas du tout dans cette envie.


« On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime, qu’on les aime ». La famille Chedid a écrit un si joli texte à ce sujet. Voilà le moteur de mon initiative, dit simplement.


Parce que j’ai reçu, à l’occasion de cet accident de vie, tant de témoignages d’attachement, j’ai des choses importantes à dire : Un, j’aime des gens admirables et Deux, je crois plus que jamais en une vie que beaucoup (moi le premier), nous abîmons tous les jours. Mais je ne rendrai pas les hommages que j’ai envie de porter sans contextualiser un minimum.


***


Lorsque j’ai réalisé ce qui m’était arrivé, je suis entré dans une période de traumatismes lourds, dont je ne suis pas encore complètement sorti, et dont je m’emploie comme je le peux, à vivre les différentes étapes chaotiques avec une patience très limitée, je le reconnais.


En premier lieu, au sortir de cette situation comateuse, je suis par- venu brutalement à cette sensation absurde et juste décrite par Fernando Pessoa dans Fragments d’un voyage immobile : « j’ai pris conscience, en un éclair, que je n’étais personne ».

La formule est belle (j’ai découvert Pessoa avec mon ami Patrick Storhaye), mais le constat est juste ahurissant.


En fait, je ne suis pas mort, mais j’ai perdu beaucoup du lien à la Vie : ce lien qui fait qu’on prend le temps de respirer et que tous les sens sont actifs. Ce lien qui fait qu’on ressent une émotion et qu’on lui donne toute sa place. Ce lien qui donne envie de faire des choses autrement que comme un robot qui a intégré des données et qui les exécute, sagement, mécaniquement.


Redevenir quelqu’un dans son entièreté, se reconstruire, voilà mon objectif. Si la vie est restée, ce n’est pas pour que je sois sans projet.


Donc, comme je le disais, j’ai d’abord été sidéré et incapable de mobiliser mon esprit sur quoi que ce soit : lecture, écriture. Retrouver le simple équilibre physique me demandait une concentration vite à la limite de mes capacités. Mais c’était une priorité. J’étais transi de peur et incapable de plus d’efforts.


Je n’ai donc pas envie d’écrire ici sur le burn-out, bore-out ou je ne sais quel concept voisin que j’ai entendu à l’hôpital, et que je connaissais bien par ailleurs dans ma vie professionnelle.


Mais si je n’ai pas eu le temps d’avoir peur lors de mon AVC, là, si. C’est bien pire comme accident, insidieux, difficile à maîtriser par quelque thérapie que ce soit.


Après la sidération, est venue l’heure de ma radiographie des événements de ma vie de ces derniers mois. Un peu en vrac d’ailleurs, j’ai revécu et essayé d’analyser ces différents moments que j’avais traversés et qui m’avaient blessé plus que je ne l’avais imaginé.


Pourquoi j’en étais là ? Au pied d’une montagne de vie à gravir ? Je parle sciemment de reconstruction plutôt que de renaissance, car mes souvenirs du passé sont là et bien là, à moi d’en faire bon usage. Je ne pars donc pas de zéro, et il ne s’agit pas de tout jeter. Il s’agit de bâtir sur ce qu’il y a de meilleur pour moi. Comme cela m’a été dit, ce n’est pas le tronc et les racines qu’il faut toucher, ce sont les branches.


Pas simple, surtout quand le cerveau patine un peu. Et je suis incapable d’associer une notion de temps à cette période de « réflexion », le temps étant comme suspendu. Je sais juste que cet arrêt brutal sera sans doute à la fois dans ma vie une immense perte et une vaste opportunité.


En effet, petit à petit, sans faire de bruit, s’est imposée l’idée que plus rien ne serait comme avant. Inconsciemment, au-delà même des avis reçus de la part des équipes soignantes qui considèrent cela comme une nécessité, de la famille et des amis, je l’ai ressentie avec une intensité extrêmement troublante.


Mais où vais-je ? Je me sens perdu dans l’intemporel. Et ce, encore, plusieurs mois après.


L’ironie du sort, c’est qu’étudiant, je déprimais en lisant le Spleen de Baudelaire. Il m’a rattrapé des années plus tard, je vis avec en confirmant, que non, définitivement ce n’est pas ma tasse de thé. Je vivrai pauvrement avec le temps qu’il faudra, pas par choix, mais dès que je pourrai m’en défaire, le bonheur ne sera pas loin.


J’adresserai maintenant un petit clin d’œil à Coluche ; je dirai que les pages qui suivent vont vous raconter « l’histoire d’un mec ». L’histoire d’un mec « normal », comme aurait dit François Hollande, notre ex- Président, autre grand « humoriste » à ses heures, bien que je déteste le mot « normal », très enfermant, à l’opposé de ce que je suis. Plutôt classique, disons, encore que.


Pas toute son histoire, juste l’histoire de la période qui a suivi cet effondrement parce que cette période m’a fait, d’une part, découvrir une « méconnaissance » de moi et, d’autre part, porter un regard nouveau sur les autres.


La méconnaissance de soi, dirait Philippe Besson, est douloureuse, quasi absurde, mais réelle. Et si Jean Gabin chantait « je sais qu’on ne sait jamais », je sais, moi, que je n’ai que ce que j’ai gravé dans mon cœur, c’est une certitude.


***

Il est donc temps maintenant, de vous prendre par la main et d’entrer dans ce monde que je veux vous faire découvrir : c’est un monde de portes ouvertes, de mains tendues.


Dès que mon souci a été connu de mes proches, un filet de protection s’est constitué pour me soutenir. Ce filet, je ne l’avais même pas imaginé.


Alors, il a pris forme dans mes songes et s’est métamorphosé en une délicate et douce toile d’araignée, tissée par des petites bêtes magiques, lumineuses et bienveillantes, rallumant des étoiles mobilisées pour moi.

C’est mon imaginaire, certes, ma foi à moi. Je demande pardon à tous les phobiques des véritables bestioles. Mais chaque instant vécu, vu comme cela, devient une pierre précieuse et non un caillou blessant sur mon chemin. Un ami n’a cessé de me dire que je suis fleur bleue, un romantique qui s’est trompé de siècle à qui cela confère à la fois une sensibilité, mais aussi une fragilité absolue.


Chacune, chacun a veillé à tisser son fil au bon moment, au bon endroit. Quelquefois, ce fil cassait et un autre fil prenait le relais pour stopper ma chute. C’est un peu chaotique mais je ne pourrai jamais dire que dans ce monde-là, j’étais seul, même si évidemment j’ai pu me sentir seul dans le vrai monde. Il y a toujours une « petite araignée magique » en vigie. Je le sens, c’est intense.


Chacun a tissé un fil différent, car aucune de mes « araignées » n’est semblable. Pour moi qui ai toujours attaché de l’importance au vivre-ensemble dans le respect des diversités et la richesse des complémentarités, cette toile est une consécration.


- Extrait du prologue de mon livre "Quand des araignées magiques rallument mes étoiles" -


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