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  • Photo du rédacteurStéphane Fayol

Accidents de vie : le choix de la seconde chance


Comme de nombreux Français, j’ai suivi avec émotion le témoignage de Catherine Laborde sur TF1 dimanche dernier. Atteinte de la maladie à corps de Lewy, notre très chère ex Madame météo a raconté son combat au quotidien en évoquant un monde qui lui échappe désormais.

Ce témoignage a été pour moi comme un détonateur de mots nouveaux, différents, pour parler encore de cet accident moins grave à terme qui a dévasté ma vie d’avant.

Oui, j’ai regardé et écouté attentivement Madame Catherine Laborde parler de son chemin, face à son terrible accident de vie. Elle l’a fait avec cette grâce qu’on lui connait depuis si longtemps. Et qui mieux que cette grâce pouvait donner autant de force à ses mots pour aider autrui à penser à sa propre vie.

Oui, j’ai entendu qu’il y a eu un "avant" cette glissade infernale qu’elle connait depuis 6 ans. Cette longue période où météo machin.com avait peu de portée et où chaque soir, l’adorable présence de Catherine dans le petit écran nous faisait vivre le temps du jour et celui de demain. Elle l’a aimée passionnément cette période et nous l’avions senti, tous autant que nous étions à guetter ses apparitions quotidiennes.

Et il y a eu un "après" qui va petit à petit, avec ses pas en avant, ses pas en arrière. Avec ses échos favorables, ses incompréhensions, ses angoisses, ses peurs.

Mais le parallèle entre la survenance de mon accident de vie et celui de Catherine s’arrête vite ; et au-delà de dire que sa parole me touche jusqu’au plus profond de moi en écho depuis ce week-end, il serait indécent d’aller plus loin dans une quelconque comparaison.

Catherine a dit adieu un soir, se sentant malade, moi je n’ai pas à mon échelle su quoique ce soit, ni dit au revoir. Et surtout, le diagnostic me concernant, du fait de ma pathologie, m’a laissé une seconde chance qu’il m’appartient de saisir ou pas.

J’ai entendu Catherine regretter de ne plus l’avoir cette seconde chance. Je sais mesurer la portée de chacun de ces mots, qui résonnent en moi inlassablement.

Alors oui, c’est dérisoire de n’avoir que quelques minutes pour témoigner de « sa vie ». Que l’on soit un personnage public ou pas.

Quelques minutes, c’est ce que m’avait offert Arnaud Ardoin de B.Smart TV le 1er octobre dernier pour parler de mon éclipse dite de Burn-Out.

Je dis à escient « dite de », parce que je ne suis pas à l’aise avec ce qualificatif, qui est si connoté, qui renferme tant de choses galvaudées, qu’on peut disserter à l’infini à son sujet sans jamais se rapprocher de mon sujet.

Je crois d’ailleurs que c’est ce que j’ai fait. Disserter, chez les autres.

Moi, le RH engagé, convaincu qu’il pouvait les aider en étant à l’écoute des situations dramatiques que pouvaient vivre mes collaborateurs, mes amis, ma famille, m’a toujours paru comme l’une des constituantes de mon ADN. Une honnêteté de comportement, une humanité de reconnaissance de l’autre que je ne pouvais qu’exprimer. « A ma manière ».

Mais pour moi, malgré mon côté éponge, jamais l’idée d’être personnellement percuté ne m’était venue. Jamais cette vulnérabilité à la dureté alentour, pourtant tellement simple, ne m’a effleuré l’esprit. Et pourtant je suis loin d’avoir une naïveté infinie.

Pour moi, il était écrit que mon chemin, déjà chahuté par beaucoup de soubresauts difficiles devait se poursuivre et ma volonté, mes ressources, devaient me permettre d’en enjamber toutes les ornières aussi énormes soient elles. Point à la ligne.

Et puis je suis tombé.

Il y avait eu en clignotants rouges, ces moments de détresse parce que « mon autre » avait abimé mes rêves de vie. Il y avait eu ce flottement dans un milieu professionnel pollué de brouillards aux densités incohérentes. Il y avait eu ces chocs brutaux vécus par des amis, qui m’avaient affecté. Et puis tout cela s’est sédimenté au fil du temps, jusqu’à ce que le poids ne soit plus supportable par ma « colonne vertébrale » physique et psychologique.

Mon fil : ne tombons pas en ce qui me concerne dans une vision simpliste de l’origine de mon accident. Si tel était le cas, nombre de choses seraient déjà solutionnées et je ne serais pas chaque jour de nouveau en quête, de parts de moi que je m’attache à rapprocher comme le vaste puzzle humain que je suis.

Oui, il y a des responsabilités, y compris la mienne, je sais les pointer, je le crois le plus honnêtement du monde.

Je sais aussi qu’il est vain de le faire comme cela, brutalement et de façon lapidaire :

  1. déjà car cela peut ne pas être encore mûr dans ma tête,

  2. cela peut aussi être un véritable boomerang peu honnête (qui a dit que la vie était juste)

  3. Enfin, au-delà des responsabilités et des culpabilités d’hier, que j’ai identifiées bien sûr chemin faisant, il y a ce demain si précieux qui existe et ce que j’ai construit, et ce que je construirai encore, et cela mobilise tant de forces positives que je n’en gâcherai pas une parcelle pour quoi que ce soit d’autre.

Cela ne veut pas dire que je condamne celles et ceux ayant vécu leur burn-out et réagi autrement. Cela veut dire qu’au-delà des étapes « d’après accident » subies dont la période d’anéantissement , il y a celles que je choisis et cette approche n’en fait pas partie.

C’est moi, et ça n’est rien que moi.

Comme le disait très bien Virginie Bapt en plateau, s’il y a des points communs entre tous les burn-out de ta terre, il y a surtout des personnes et leur vécus respectifs.

Alors, oui, c’est une approche déroutante. Qui ne fait en aucun cas dans le sensationnel. Nulle grande révélation, nulle accusation. Juste ma petite histoire, sombre derrière moi comme un gros nuage, plus lumineuse devant même s’il reste des nuages de basse altitude qui viennent ponctuellement plomber mon ciel.

Et c’est merveilleux d’avoir eu ces quelques minutes pour parler de la vie parce que ça n’est pas offert à tout le monde, et ça suffit pour ne pas dire, redire, et redire.

Ce d’autant que le chemin de réhabilitation est long, beaucoup plus long qu’imaginé, beaucoup plus difficile à parcourir que je ne l’avais pensé. Je n’étais pas le seul d’ailleurs, j’ai notamment l’amer souvenir d’un praticien de la médecine qui a baissé les bras d’une façon bien peu humaine et professionnelle. Mais fort heureusement, d’autres plus curieux et attentifs ont su que la chance devait se saisir autrement et m’ont suivi, à défaut de toujours me comprendre, ce que je ne saurai moi-même pas bien faire d’ailleurs.

La vie que l’on perd presque, à l’occasion d’un choc d’une telle violence que la sidération, puis l’incompréhension qui s’en suit, conduit à laisser filer le temps des autres, sans y participer.


Catherine Laborde le dit si bien.

Parce qu’on n’a pas le choix.


Mais maintenant, j’ai le choix, cette seconde chance. Et entendre Catherine qui ne l’a pas eue, et d’autres Catherine dans des situations extrêmes, rend cette chance juste exceptionnelle.

Alors merci et respect Catherine.

Je ne pensais jamais écrire ces lignes. L’émission à laquelle j’ai participé la semaine passée et mes quelques articles à ce sujet suffisaient. Mais finalement c’était comme quelque chose qu’il me fallait faire aujourd’hui pour elle, pour moi, écrire pour VIVRE.

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